Almanach (d366)

Une comptine par jour dans l'univers forestier de Millevaux

Illustrations (C) par Sylvain Le Corre
https://sylvainlecorre.tumblr.com/

Page de l'Almanach

Textes par Thomas Munier, domaine public

Sauf :

Tous les textes du mois de Merdier sont d'Arjuna Khan

À l'exception du Premier de Merdier : Antoine « Kirdinn » Nobilet

Et du Deux et du Vingt-Neuf de Merdier : Weeping Jay

Les textes du Premier au Quinze de Descendres sont d'Arjuna Khan

d366 Result

1

Un de Charnier

Ils courent

Ils sont tous proches maintenant

Il ne me reste que deux balles
Une pour le premier qui entrera

Et la suivante pour...
Stop

2

Deux de Charnier

Noires pullulations

Ferments

Animalcules enfouies dans le terreau de la forêt
Regard sans fond

Plasme omniscient

Shub-Niggurath veille

3

Trois de Charnier

Ramifications et rayonnements d'écorce

Noyau sphérique

Branches qui dardent à l'infini
Tumeurs

Craquelures et éclairs

L'Arbre-Soleil !

4

Quatre de Charnier

Je lui ai demandé de me tirer une lame

Dans le Tarot de l'Oubli

Elle a tiré la Mort

Saperlotte !

Comment j'ai pu oublier que j'étais mort ?

5

Cinq de Charnier

Ma mémoire est un feuillage

Que souffle le vent
Feuilles de visages

De mots et de gestes

Emportés par la bise

Entre les arbres narquois

6

Six de Charnier

Douze porgrelets gris

Et transparents comme des fœtus

Une bauge

Des grognements en langue putride

Mère Truie

Obèse serviteur du Bouc

7

Sept de Charnier

Delirium tremens

Humus en vomi

Branches crispées et forestiers hagards

Il est tout près

Le but final de ma quête

L'Arbre à bouteilles !

8

Huit de Charnier

Sanglegoules !

Corps de sanglier

Peau de poulet

Presqu’une gueule de chien

Dévoreurs de chair humaine

Acharnés sur la jambe d'un vivant

9

Neuf de Charnier

Vite sortir de là !

Les branches rentrent dans ma peau

Mes pieds s'enfoncent dans le sol

Et l'horizon disparaît

La forêt qui rétrécit

10

Dix de Charnier

Cui, cui, cui,
Jésus cuit...
Cui, cui, cui,
Jésus cuit...
Cui, cui, cui,
Jésus est tout cuit
On l'a bouilli !

11

Onze de Charnier

Araignées ligneuses

Chenilles de mousse

Arbres de pierre

Hommes-champignons

Arbres-scolopendres

Ours-phasmes

Plus rien n'a de sens ici

12

Douze de Charnier

Je porte les ossements

Les oripeaux et les fragments de mes ancêtres

Ils me parlent toujours

Porteur de mémoire

Mon fardeau de Corax

13

Treize de Charnier

Mortes

Elles sont bien mortes

Qui furent si belles

À la peau transparente

Tombées face contre terre

Elles si légères

Feuilles mortes

14

Quatorze de Charnier

Un premier bourgeon, sur la peau

Puis des ongles d'écorce

Virus-papillon

Visage, membres en feuilles
Décadence végétale

L'Homme-Fougère

15

Quinze de Charnier

La corruption est-elle l’avenir de l’homme ?

Peut-on survivre en restant moral ?
L’être humain doit-il disparaître ?

Ou devenir plus fort ?

16

Seize de Charnier

Des jours que je n'ai pas vu le ciel

À travers les frondaisons

La forêt pèse de toutes ses branches
Ténèbres lourdes comme du plomb

Noir

17

Dix-Sept de Charnier

Je suis trappeur

Je fais des peaux

Fourrures de bêtes

Gueules, pattes et crocs

Entassées, recousues

Parfois un doigt qui dépasse

18

Dix-Huit de Charnier

L'Arbre à vœux

Branches chargées de messages

Parchemins, papiers gras

Écorces gravées, cailloux peints

Malédictions

Rêves de vengeance

19

Dix-Neuf de Charnier

Cloportes, lombrics

Taupes, scolopendres

Peuple de la terre

Dans les bras humides et noirs

Des cadavres et des ruines

De l'ancien monde

20

Vingt de Charnier

« Et l'intérieur de l'homme
Ressemble à l'huître

Il est répugnant

Flasque

Et difficile à saisir »
Nietzche, Ainsi Parlait Zarathoustra

21

Vingt-et-Un de Charnier

La forêt était en proie à la hernie

Les galles des racines

Immenses

Sortaient de terre

Et les tumeurs

Doublaient le volume des troncs

22

Vingt-Deux de Charnier

Je suis à la recherche

De mes souvenirs perdus
Tout ce que j'ai oublié

Forme une plaie béante

Qui saigne sans cesse

Une plaie

Une plaie

23

Vingt-Trois de Charnier

On l'a vu mort

Pourri

Transpercé de traits

On l'a vu ressortir de la terre

Mouillé de placenta

Le cerf blanc toujours revient à la vie

24

Vingt-Quatre de Charnier

  • Enlève ton blouson, étranger

  • Je peux pas

  • Tu te moques de nous ?

  • Je l'ai pas enlevé depuis des ans

Il est fusionné à ma chair

25

Vingt-Cinq de Charnier

Fleur rouge

Gorgée de corruption

Mandragores

Turgescentes

Orchidées qui suppurent d'amour

Venins

Immenses mâchaisons hallucinatoires

26

Vingt-Six de Charnier

Verrues, varices

Rides et cicatrices

Membres grêles

Osseux ou musclés

Frissons, duvet, mélanomes

Gerçures, œdèmes

La peau des arbres

27

Vingt-Sept de Charnier

J'ai mal aux dents

Il me suit partout

D'abord petit homme rosâtre
Caché derrière les arbres

Puis géant ensanglanté

Le Bonhomme Douleur

28

Vingt-Huit de Charnier

Mes souffrances, mes trahisons

Les compromis sur la vie

Sur la dignité

Tout le mal du monde

Enraciné en moi

Chaque oubli est un pardon

29

Vingt-Neuf de Charnier

Nous sommes le peuple troglodyte

De la Ligne Maginot

Foreurs

Coureurs de ténèbres

Récolteurs d'eau

Nous fuyons le Ver qui vit au fond

30

Trente de Charnier

Lui, l'apôtre de la chair

Il joue avec ma peau

comme avec une cagoule de soie
Qu'il replie et modèle

Sur mon visage à vif

Sarcomancien

31

Trente-et-Un de Charnier

Il ronge la pierre

Lichen rouge

Il ronge l'acier

Lichen brun

Il ronge les chairs

Lichen noir

32

Premier de Merdier

Elle m'a demandé de tirer

Une lame du Tarot de l'Oubli

J'ai tiré la Mort

Fichtre !

Comment ai-je pu oublier

Que j'étais la Mort ?

33

Deux de Merdier

Nous nous couvrîmes

De carcasses d'animaux

Pour apaiser leur colère

Mais les horlas

Ne sont pas dupes...

34

Trois de Merdier

Tous alignés comme des rapaces

Me scrutant du haut de leur perchoir

Je croque dans un

Et à moi le septième ciel

Attends... ?

35

Quatre de Merdier

Un humain, laid, tordu

Maigrelet et sinistre

Voila tout ce que j'aime

Les douceurs d'autrefois

Se font trop rares, je crois

36

Cinq de Merdier

Ça t'monte dans la gorge

Et ça t'prend jusqu'aux tripes

La maladie d'bellegueuse

C'est l'agonie à p'tite dose

D'aut' questions ?

37

Six de Merdier

Il m'ont dit

Tiens vieux chn'oc

On va t'donner à lui

Oublie donc la jolie

Préfère c'qui est pourri

38

Sept de Merdier

C'est étrange tu sais

Mais chaque fois

Que je l'entends rire

Je tremble d'effroi

Oh mais...
Tu souris ?!

39

Huit de Merdier

Pile

Je mange le truc noir

Face

Je peux boire la boue

On fait comme ça ?

40

Neuf de Merdier

Il porte dans sa gueule torve

Le fruit de nos péchés

C'est très désagréable

À regarder
mon ami hein ?

41

Dix de Merdier

Sur son corps démembré

Les volutes de fumée

Disparaissaient peu à peu

Ne laissant que cendre et chaos

En guise de réconfort

42

Onze de Merdier

Derrière ces cages de corps

Cadavre souriants

Il y avait une perle

Qui attendait d’être cueillie

Kinder

Mon chasseur de fées

43

Douze de Merdier

L'idée que jadis les hommes

étaient davantage que des bêtes

n'est qu'un fantasme

Tout le monde doit survivre

Ouvrez les yeux

44

Treize de Merdier

Chariots à conneries !

J'l'ai pas buté pour la nourriture !
J'l'ai cramé

Pour qu'personne

mette la main dessus

45

Quatorze de Merdier

Sa vue

Soulève de honte mon cœur

Son odeur

Broie mon regard

Je me tourne alors vers celui

par lequel les ténèbres arrivent

46

Quinze de Merdier

Ma plume saigne

De te voir mourir
Mon amour

Alors cesse de crier

et ferme moi ces yeux

47

Seize de Merdier

La jeunesse éternelle ?

Qu'est-ce que j'en foutrais ?

Pour avoir l'opportunité

De souffrir éternellement

J'ai déjà c'qui faut

48

Dix-Sept de Merdier

La lumière torride

Qui respire

Par les interstices des feuilles

À respirer cet air fétide

Mon cœur pourrait presque se fendre

49

Dix-Huit de Merdier

Dans son œil torve

Ne ruminait que la cogitation

D'un monde presque mort

Pourtant les corbeaux

Croassaient de plus belle

50

Dix-Neuf de Merdier

Il sculpte nos corps

Dans l'acier

Comme nous sculptons nos vies

Dans la glaise

C'est lui !

Le grand architecte purificateur !!!

51

Vingt de Merdier

Mes enfants…

Vous êtes nés
Pour porter le fardeau

De la corruption sur votre visage

Et ils vous chassent ?
Triste hommes

52

Vingt-et-Un de Merdier

Ce qui me dégoûte le plus ?

Ces êtres qui s'accrochent

À leur humanité

Comme un clochard

À ses guenilles

53

Vingt-Deux de Merdier

« Moi j'ai connu un loup
Ma foi

Moi j'ai connu un loup !
Qui ne se nourrissait pas !
Qu'est devenu fou ! »

Chansons du patriarche

54

Vingt-Trois de Merdier

Ses voix font écho à sa multitude

Faites-le taire

Par pitié

L'emprise afflue

Et je sens

Qu'il cherche à me corrompre

55

Vingt-Quatre de Merdier

Les lunéas

Se nourrissent par photosynthèse

Encore une preuve

que nous n'avons plus notre place

Ici

56

Vingt-Cinq de Merdier

Assister à la naissance

D'un horla

C'est un peu

Comme jouir

De sa propre mort

C'est extrêmement déstabilisant...

57

Vingt-Six de Merdier

Il a modelé

Une créature

De sang et de fumée

Pour rappeler la chair à lui
lors des jours d'ennui

58

Vingt-Sept de Merdier

Un jour

J'ai trouvé un corps

Dans un ravin

Je n'aurais sûrement pas

Eu si peur

Si cela n'avait pas

Été le mien

59

Vingt-Huit de Merdier

D'habitude

Je n'aime pas trop les blonds

Mais il faut dire

Que j'avais

Vraiment très faim

60

Vingt-Neuf de Merdier

Il gardait

Une trace d'eux

Pour les maintenir

En vie

Littéralement

61

Premier de Marche

Palétuviers

Sentiers nénuphars

Clairières de lentilles d'eau

Murs de prêles

Et buttes de vase
Le marais
était une grande forêt saumâtre

62

Deux de Marche

Je suis un nomade

Je ne laisse pas de trace

Je vis au jour le jour

Demain

Je serai peut-être mort
Nul ne se souviendra

de mon passage

63

Trois de Marche

Rien n'est sacré

Les personnages

De Millevaux

Sont plus attachants

Une fois morts

Que vivants

64

Quatre de Marche

Tout costume

est un déguisement

Toute éducation

Est un endoctrinement

Toute richesse

Est corruption

Ici, nous sommes vraiment libres

65

Cinq de Marche

J'ai cru trouver refuge

Dans cette cité

Las !

Perdu dans la pierre et le bois mort

Parmi les prédateurs humains

La ville reste une forêt

66

Six de Marche

Spectacle d'horreur

Sang, tripes et barbaque

Vagissements d'outre-tombe

Sabots fouaillant la chair

Une vache dévorant une autre vache !

67

Sept de Marche

Je vole

Dans les brouillards bruns

Par dessus montagnes et forêts

Fier Corax

Ombre noire

Je sens ma fin proche

Je rejoins ma famille

68

Huit de Marche

Les Vampires de la Lignée Kevorkian

Sauvages

Animaux

Métamorphes

Leur cœur est un symbiote Horla

qui peut être cloné ou transplanté

69

Neuf de Marche

Au détour de cette forêt…

Les choses sont devenues étranges…

Au-dessus de ma tête

Frondaisons

Ombre noire

Un loup pendu à un arbre

70

Dix de Marche

Courir à s'en rompre les jambes

Boire du sang

Manger des yeux

Tuer sa bien-aimée

Brûler des merveilles

Ces choix qu'imposent la faim

71

Onze de Marche

Trouver de l'eau pure

Trouver des végétaux comestibles

Trouver des protéines comestibles

Se protéger du froid

Se protéger des maladies

72

Douze de Marche

Il arrêtait pas de tousser

Disait qu'il avait mal aux poumons

Simagrées ?

On l'a pris au sérieux

quand il a recraché

Une branche d'arbre !

73

Treize de Marche

Little Hô-Chi-Minh-Ville

Arbre-temple

Poussées mortelles de bambous

Poupées-gingko

Veau aux orgones

Horreur d'idéogrammes et de néons

74

Quatorze de Marche

Une horloge à l'aiguille cassée

Une rose déchue

Un portrait en camé

Un animal mort

Ils faisaient commerce

D'objets chargés d'égrégore

75

Quinze de Marche

Courir entre les branches enchevêtrées

Prisonnier dans un cocon

De feuilles collantes

L'ombre s'approche, affamée

L'Arbre-Araignée !

76

Seize de Marche

Je suis censé l'aimer ?

Celui-là serait mon ami ?

J'exercerais la profession de médecin ?

Impossible !

Qui a falsifié mon journal intime ?

77

Dix-Sept de Marche

Nuages et pluies, grise saison

Feuilles mortes et décrépitude

Rouge saison

Froid et neige

Blanche saison
Ainsi s'écoulent les ans

78

Dix-Huit de Marche

Je l'ai vu

Le Loup

Marcher sur ses deux pattes

Pour traverser la rivière

Grogner des mots

En langue putride
Je n'en dors plus la nuit !

79

Dix-Neuf de Marche

Nous sommes sortis de nos abris

Après la tempête d'égrégore

Tout autour de nous

Trophées, membres

Bijoux, statues

Une forêt de symboles

80

Vingt de Marche

Dans l'Arbre des Sephiroth

Shub-Niggurath est « Daath »

Le cercle caché

La bibliothèque cosmique

De toutes les mémoires de l'univers

81

Vingt-et-Un de Marche

Jambes et pubis
Émergeant de la terre

Pousses de doigts

Racines en bras
Prendre garde à ne pas marcher sur des yeux

Une forêt de corps

82

Vingt-Deux de Marche

Regarder un nouveau-né dans les yeux

Te redonne un souvenir

Hier

J'ai regardé les yeux d'un mourant

Je ne me souviens de rien d'autre

83

Vingt-Trois de Marche

Arcades molles masquant le ciel

Bouches volcaniques de spores

Troncs gluants à perte de vue

Chapeaux et tubulures

La forêt-champignon

84

Vingt-Quatre de Marche

Après l'inondation

Il n'y avait plus de sol

Que de l'eau

Les cimes des arbres

Blanches de toile

Des milliers d'araignées réfugiées

85

Vingt-Cinq de Marche

Ululement sinistre du vent

À travers les baudruches dans les branches

Fantômes blancs ballottés à ras du sol

La forêt des sacs plastiques

86

Vingt-Six de Marche

Cris et chuchotements

Peaux d'orange

Frottement des chairs

Brames et morsures

Les yeux ouverts, effarés
Faire l'amour contre l'écorce

87

Vingt-Sept de Marche

Quand nous serons lassés
De régner

Nous pourrons nous désaltérer
De la vengeance

Nous autres

Les Confrères aux Masques d'Or

88

Vingt-Huit de Marche

Blaireaux, loups, et renards

Déambulaient dans le muséum

Costumes, monocles et cravates

Pour admirer

Une collection d'humains empaillés

89

Vingt-Neuf de Marche

Chairs et larmes

Accrochées aux branches

L'appel de la Mandragore

Vols de corbeaux

Yeux dégustés

Viscères au sol

La forêt des pendus

90

Trente de Marche

Froissement de fougères

Tissage de feuilles

Tresses de racines

Corset de troncs

Voile des frondaisons
La forêt est prête pour le bal

91

Trente-et-Un de Marche

Je traversais la mer

C'est en passant

Un ban de brume

Que j'ai vu la première branche
Sortir de l'eau

Sous la mer, la forêt poussait

92

Premier de Péril

Plus haute que les arbres

Plus ancienne qu'eux

Dominante

Sachant tout

Son regard me cloue

Voit à travers mes mensonges

La Statue

93

Deux de Péril

Ils prennent la mémoire

Dans leurs collets

Achèvent le seigneur à l'agonie

Piègent la civilisation

Dans des fosses

Braconniers du futur

94

Trois de Péril

L'odeur de fumée

Le charbon de bois

Les troncs noirs

Les pleurs

La chair brûlée des hommes
Ici aussi

Le feu avait laissé sa marque

95

Quatre de Péril

Ils s'en viennent de nuit
sur les bivouacs

Ils vous volent
vos souvenirs pendant votre sommeil

et vous revendent
ceux des autres au marché

96

Cinq de Péril

La petit fille s'est mis à avoir peur

Qu'il y ait des monstres sous son lit

C'est à ce moment-là

Qu'ils ont commencé

À apparaître

97

Six de Péril

Je m'empêtre dans une forêt de cordes

Câbles et soies tendus en tous sens

Vibrant d'égrégore

Lesquels tirer, trancher ?

Fils du destin !

98

Sept de Péril

Lianes et sifflements

Troncs écailleux

Branches glissantes

Sève envenimée

Reptations humides
Cette forêt est un vrai nid à serpents !

99

Huit de Péril

Je l'ai vu !

Il m'a parlé !

Il m'a touché de ses brandons !

Ma chair porte sa marque

Mon esprit porte son enseignement
Le buisson ardent !

100

Neuf de Péril

Pourtant je l'ai tué

Pourtant il est à mes trousses

J'entends son brame

Mon sang pulse dans mes veines

Apeuré, fasciné

Le cerf revient

101

Dix de Péril

On n'y voit rien

Ronces, orties, buissons

Une friche sans limite et sans issue

Juste des tunnels rasants

La forêt des enfants perdus

102

Onze de Péril

Tempête d'égrégore

Forêt de symboles

Carnaval de la corruption

Êtres et choses devenus fous

Millevaux, un territoire obsessionnel

103

Douze de Péril

  • Mais tu m'avais promis de ne pas le faire !

  • Désolé, j'oublie tout ce que je dis à jeun

104

Treize de Péril

Pour débusquer les criminels

Le conteur-enquêteur imagine

ce qui ferait la meilleure histoire possible

Alors celle-ci devient la vérité

105

Quatorze de Péril

Scolopendres vertébraux

Vers voraces poussant au cannibalisme

Bras d'écorce

Araignées-ganglions…

Symbiotes horlas

106

Quinze de Péril

Je survolais la forêt en ballon

Lignes d'angoisse

Rivières de tristesse

Montagnes d'espoir

Je vis ce que l'égrégore

produit sur le monde

107

Seize de Péril

Grumeaux flottants

Couvercle de brumes et de fiel

Menace porteuse de pluie et de mort

Pourriture éthérée
Le ciel

Forêt sur nos têtes

108

Dix-Sept de Péril

Le lichen rouge mange la pierre

Il est notre arme

Pour mettre la civilisation à bas

La forêt nous libérera

Nous sommes la Asunción Roja

109

Dix-Huit de Péril

Il a tout créé

Il est partout

Il sait tout

Enfoui dans le sol

Dans nos chairs

Dans nos peurs
Et il n'a aucun message à nous adresser

110

Dix-Neuf de Péril

Dans cette auberge

On dort avec ces autres

Qui nous protègent

Nous réchauffent

Nous racontent leur histoire
Ici, on dort avec les morts

111

Vingt de Péril

Le plateau de Millevaches

Qui aurait pu croire

Qu'y furent jadis

Enfouis tous ces déchets nucléaires ?

Sous la Lune verte, calme, personne

112

Vingt-et-Un de Péril

Je ne me fie pas à ces charlatans

Et ces sorcières

Rien ne vaut une immersion

Dans une baignoire remplie de tripes

Pour garder la santé !

113

Vingt-Deux de Péril

Dans sa boutique

Des centaines de flacons de larmes

Cristallines, fondues

Fluides, opaques, irisées…

Sentiments à boire et à vendre

114

Vingt-Trois de Péril

J'avale la dernière gorgée

De ce liquide noir

La Chiure de la Terre
Je commence à le voir

Le ressentir dans son horreur totale

Iä, Iä !

115

Vingt-Quatre de Péril

Si je n'étais pas mort de faim

De fatigue et de froid

Je n'y serais pas entré

On ne se sentait pas le bienvenu

à l'Auberge aux Mouches

116

Vingt-Cinq de Péril

Des arbres aux branches crochues

Des écorces ridées

Des voiles de feuilles blanches

Traversés de soupirs

La forêt tombait de vieillesse

117

Vingt-Six de Péril

Grenades à dents

De poissons venimeux

Nappes de spores mortelles

Catapultes à viande noire

Seringues d'orgones

L'avenir du terrorisme !

118

Vingt-Sept de Péril

Il grogne et fouaille et couine

Il retourne l'humus noir

Spongieux

Il trouve des horreurs

Et des merveilles

Ce cochon truffier ira loin

119

Vingt-Huit de Péril

Un sol de cuir sanglant

Des troncs comme des crânes

Ou des cylindres de kératine

Des canopées soyeuses ou emmêlées

Une forêt de scalps

120

Vingt-Neuf de Péril

Par leurs odeurs

Les gens disent leurs vices

alcoolisme, tabac

Obsessions, saleté

Angoisses

Dévoration de gibier noir

Ou coquetterie

121

Trente de Péril

De tumultes rocheux

En tumeurs minérales

Des blocs métamorphes
Dévalaient la rivière

Ou glissaient depuis les collines

Pierres corrompues

122

Premier de Messe

Depuis que je suis aveugle

Je ressens l'égrégore

Je vois les émotions

Je lis dans le passé, le futur

J'ai bien fait de me crever les yeux !

123

Deux de Messe

Seul passage à travers la forêt

Source de vie

L'endroit à traverser pour effacer ses traces

La rivière est un espoir
Et aussi un piège

124

Trois de Messe

Hue, hue, hue !

Les enfants font la chasse au Dahu

Oh, oh, oh !

Ils en abandonnent un là-haut

Dia, dia, dia !

Il sera la proie du Horla

125

Quatre de Messe

J'ai vu marcher

De noirs cœlacanthes

J'ai vu glisser

Des limaces sans forme

J'ai vu frissonner

La chair des anémones

La forêt de corail

126

Cinq de Messe

Il est revenu de la chasse, fier

Portant une belle biche blanche

Il l'a saignée

Servie à table

L'horreur nous saisit

C'était sa fille !

127

Six de Messe

Empoisonneuse, costumée, fascinante

Traverse les nuits de Venise

Masquée, armée, redoutable

Défi de fer et de chair

La Femme Orchidée

128

Sept de Messe

Goupil est venu du bois

Il nous a fait rire

Avec tours et grimaces

Puis il nous a fait

De très cruelles farces

Goupil donne puis reprend

129

Huit de Messe

L'arbre a tout vu
Avec les ocelles de ses feuilles

Avec les fruits ronds qui pendent de ses branches

Il a vu avec les yeux

De son écorce

130

Neuf de Messe

J'ai mangé leurs viscères

Je me suis couvert la face

De leur visage

Je me suis paré la bouche

De leurs dents

Je voudrais tant devenir humain !

131

Dix de Messe

Nous avions vécu tout ce temps

Dans la forêt

Mais en réalité

Nous ne savions rien

Des êtres et des choses qui y vivent

Pour notre malheur

132

Onze de Messe

Miasmes dans l'air

Vermines volantes

Fièvre rampante

Il est de retour

Avec ses millions de sujets

Baal-Zebub

Sa Majesté des Mouches

133

Douze de Messe

Ils écrivent des consciences humaines

Sur des rouleaux en hébreu

Commandent à la matière inerte

Et cachent le nom de Dieu

Dans une cité

134

Treize de Messe

Bruits

Branches qui s'effondrent

Impasses blanches

Choses cachées dans les congères

Glace

Tracer un chemin

La neige a envahi la forêt

135

Quatorze de Messe

Tintement de milliers de sequins

Glisse une immense burqa rapiécée

Masse terrible

Le Festival à commencé

Bientôt…

Voir le Roi en Jaune !

136

Quinze de Messe

Et parmi leurs songes

Abîmes verdoyants

On aurait pu y voir

Les angoisses ancestrales

Qui avaient forgé le monde

137

Seize de Messe

Creuset des folies de cette terre

Tourbillon des hantises humaines

Le Roi en Jaune n'est autre

Que la somme

De toute l'égrégore du monde

138

Dix-Sept de Messe

Leur radeau glisse sur le fleuve

Allongés

Les yeux clos

Ils respirent à peine

Beaux de rêves et de souffrance

Les énervés de Jumièges

139

Dix-Huit de Messe

Des mille-pattes grinçants

Flaques-rouille

L'air avait un goût de fer

Racines mal soudées

La pluie : tous à couvert !

La forêt de clous

140

Dix-Neuf de Messe

J'ai ces démangeaisons

Quand je me gratte

Y tombe de ces croûtes brunes..

Et ça pousse sous ma peau

Ça bourgeonne

Je deviens un arbre !

141

Vingt de Messe

Danse

Danse mon bel amant

J'admire tes membres épars

Je goûte à leur chair salée

Je savoure ton sang chaud

Dévore ta viande palpitante

142

Vingt-et-Un de Messe

J'entends leurs cris

Dans la forêt

En proie à l'incendie

Je les entends encore

Dans les cendres

Et l'odeur du bois mort

143

Vingt-Deux de Messe

Rouges les rivières

Rouges les racines

Et rouges mes bras

Bat ma poitrine

Et bat l'écho

Une forêt de sang

D'artères et de cœurs battants

144

Vingt-Trois de Messe

Enfant albinos

On me dit sacré

On me dit porteur de lumière

On dit que je peux régénérer

On me coupe un bras

Pour en faire un talisman

145

Vingt-Quatre de Messe

Nous avancions au fil de l'eau

Voyager en radeau

Nous parut plus sûr que la forêt

Mais sous notre esquif

Le sillage

De la Mandragoule...

146

Vingt-Cinq de Messe

Pour accéder à la connaissance

Je laisserai mon maître

Me plonger

Dans le liquide sarcomantique

On me révèle

Le supplice du double visage

147

Vingt-Six de Messe

Sous ma peau

Le fourmillement

De milliers de parasites

Dont mon corps s'est fait le limon

Je suis la nouvelle chair
Pour la nouvelle forêt

148

Vingt-Sept de Messe

Les accidents de bûcheronnage

Ne sont pas toujours des accidents

Sentant leur heure venue

Certains arbres

Ne veulent pas partir tout seuls

149

Vingt-Huit de Messe

En son cœur brûle un brasier

Ses branches sont couvertes d'or

Qu'on le vénère

Qu'on lui offre l'innocente

Chair humaine

L'Arbre-Moloch !

150

Vingt-Neuf de Messe

Tu sais pourquoi
J'aime tant manger

De la viande

Surtout la viande crue ?

J'y retrouve le goût

De la bête à l'abattoir

Le goût de sa peur

151

Trente de Messe

Nous, les sheitanites

Sommes la seule religion

Qui soit dans le vrai

Car nous sommes les seuls

À vénérer un dieu qui existe

Iä ! Iä !

152

Trente-et-Un de Messe

Nous ne sommes que des enfants

Nous sommes les proies des Horlas

Qui chassent dans les rêves

Nous courons dans la forêt

De nos cauchemars

153

Premier de Chien

Pourquoi ces fièvres nocturnes ?
Les horreurs dites sur moi ?

Pourquoi me réveillé-je

Chaque matin

Fourbu

Des plumes noires

Dans mon lit ?

154

Deux de Chien

Tout allait bien au village

Jusqu'au jour où

Nos femmes ont donné

Naissance

À des animaux

155

Trois de Chien

À l'abri de la forêt
Dans nos maisons

Entassant les choses

Qui nous seraient utiles un jour

Jusqu'à être submergés

Par une forêt d'objets

156

Quatre de Chien

Des rivières de sueur

Des montagnes de membres

Des murailles de dents

Des buissons de poils

Des landes de lambeaux

Et des forêts de peau

157

Cinq de Chien

L'agence du Grand Timonier

Propose une promotion exceptionnelle

Sur le voyage dans Millevaux !

Une épopée extrême !

Des photos inoubliables !

158

Six de Chien

Je ne crains ni la faim

Ni le froid

Ni ces bois

Ni les Horlas qui les hantent

Millevaux n'existe pas

Ce n'est qu'une épreuve pour ma foi

159

Sept de Chien

Brûle, brûle, brûle

La chair des arbres

Et celle des hommes

Portant au loin

L'insoutenable odeur de la vérité

160

Huit de Chien

Tombe la neige

À la surface de Paris abandonnée

Fragments de journaux

Messages fous

Esseulés

Pièges qu'on consacre une vie à rassembler

161

Neuf de Chien

Dans les forêts limbiques

Les morts parlent aux vivants

Les vivants couchent avec les morts

Pour se réchauffer

D'un hiver sans température

162

Dix de Chien

La sarcomancienne

Vous greffe la peau tatouée d'étrangers
Alors leurs mémoires et leurs émotions

Coulent encore chaudes

Dans vos veines

163

Onze de Chien

Un larsen qui transperce

La mémoire atavique

D'un passé perdu

Guitares brandies

Roulement de batterie

Le Dernier Groupe de Rock du Monde !

164

Douze de Chien

Ce flingue a fait tout ce chemin

Pour revenir vers moi !

Avec l'égrégore

Le hasard n'existe pas

Plus qu'une balle

Je sais quoi en faire

165

Treize de Chien

PUTRESTOP !

Contre les problèmes

De putrescence passagère

Ceci est un médicament

Avant usage

Lire attentivement la notice

166

Quatorze de Chien

Primo, la préparation mentale

Des hommes sûrs

Les meilleurs outils

De bons augures

Le savoir du terrain

L'art délicat

D'abattre un arbre

167

Quinze de Chien

Ce n'est pas son corset de branches

Ni ses cheveux de feuilles

Ni ses lèvres en insectes

Qui me font peur

C'est qu'elle n'a pas de cœur

168

Seize de Chien

Dans cette mer d'arbres

Plus aucun repère

La boussole ne trouve plus le nord

Tout est si étranger

Et familier en même temps

Perdus !

169

Dix-Sept de Chien

Faire devant les autres

Ou s'éloigner dans l'intimité

Et les dangers de ce bois ?
Entre ces deux risques

Que choisir ?

Le dilemme du caca

170

Dix-Huit de Chien

Une longue route à travers la forêt

De jeunes indigènes font du stop

Disparitions

Battues dans les bois

En vain

L'Autoroute des Larmes

171

Dix-Neuf de Chien

Nous ne contrôlons pas les gènes

Ils nous contrôlent

Elle demeure

Depuis la nuit des temps

L'emprise

Nous sommes ses sujets

À jamais

172

Vingt de Chien

Le jour de Lazare

Nous reviendrons

Purs et innocents

Lavés de nos péchés

Drapés de chair putride

Nous tituberons

Sur la Terre Promise

173

Vingt-et-Un de Chien

Si seulement on avait vérifié

Les mollets des enfants

Quand ils rentraient du bois !

Tout irait encore bien au village !
Maudites tiques...

174

Vingt-Deux de Chien

Nous progressions

Dans la forêt de châtaigniers

En silence

Soudain, le fracas des coups sur le sol

Et des crânes brisés

Chute de bogues !

175

Vingt-Trois de Chien

Souffle des canopées

Grenades-fougères

Humus de plastic

Troncs-dynamite

La forêt comme une lente

Inéluctable

Et silencieuse explosion

176

Vingt-Quatre de Chien

Belle

Dans le sang de la révolte

Blanche

Dans le chaos de la guerre

Seule

Parmi les chapelles les arbres les morts

La Madone à la kalach

177

Vingt-Cinq de Chien

On a cru que l'oubli

Était une tare génétique héréditaire

Mais c'est plus que ça

Il est contagieux

Il se répand

Trou noir

178

Vingt-Six de Chien

Fange, ornières, bourbiers

Progresser dans l'infâme mangrove

Sables mouvants

Suffocation

Déchetterie de la mégafaune

La forêt de merde

179

Vingt-Sept de Chien

Moustiques qui injectent de faux souvenirs

Arbres en calcul constant

Racines en réseau

Données organiques

La forêt à mémoire cellulaire

180

Vingt-Huit de Chien

Pauvres chiens

Ils sentent

L'odeur des cellules cancéreuses

L'odeur de l'égrégore

L'odeur de la mort

L'odeur de la peur

Pauvres bêtes !

181

Vingt-Neuf de Chien

Les fous !

Ils ont ramené des arbres-souches

De l'expédition !

Ces choses sont capables

De faire pousser une forêt entière en une nuit !

182

Trente de Chien

Des visages recousus

Des poèmes de chair

Des dents sculptées

Des yeux incrustés de pierreries

Et des bouches mutilées

Art sarcomantique

183

Premier de Vrillette

Grenades-arbres

Humus truffé de mines antipersonnel

Fosses comme des bouches d'épieux

Lianes étrangleuses

Sonne la guérilla forestière !

184

Deux de Vrillette

Meuglements de bêtes

Et d'hommes devenus fous

Tremblement des feuilles

Il pleut à pierre fondre

La nuit !

La forêt de Creutzfeldt-Jakob

185

Trois de Vrillette

On nous disait clochards

Nous étions pionniers, libres

Chercheurs d'or

On nous disait fous

Nous étions les seuls

À pouvoir s'en sortir

186

Quatre de Vrillette

Les cendres du mort

Avec ce four

J'en ferai un diamant

Avec cette terre

J'en ferai un arbre

Avec ce vin

J'en ferai un philtre de mémoire

187

Cinq de Vrillette

La surface

Des silences à glacer le sang

Une ville blanche et dénervée

Un visage de pierre

Dans la rigueur

De l'hiver nucléaire

188

Six de Vrillette

L'orgone

Mystérieux fluide

Drogue, aphrodisiaque et source d'énergie

Machines à orgones

L'emprise et l'égrégore

Dans le même flacon !

189

Sept de Vrillette

Ne m'en veux pas

Si je t'attache !

Les cordes

Sont le meilleur vecteur d'égrégore

Que je sache

Liens, entraves, garrots

Fil des Parques

190

Huit de Vrillette

De l'arbre et du feu

Branches, flammes et fumée, semblables

Des vertus du charbon de bois

Plaisir de démiurge

À souffler sur les braises

191

Neuf de Vrillette

L'oubli participe de l'emprise

Ce n'est pas juste une tare héréditaire

C'est une mutation

Contagieuse

Chronique

Curable

192

Dix de Vrillette

Je suis le ver

Et je suis la chair

Je suis la peau

Et je suis les os

Je suis la nouvelle manne

Et l'ancienne pourriture

193

Onze de Vrillette

Les arbres des piliers titanesques

Le ciel une chape de brume

Fourbus mes pieds

Craqué le bitume

Longue la route

Pour qui erre sans but

194

Douze de Vrillette

Marigots, vasières

Lourds pas à pas

Gare aux trous d'eau !

Des larves d'anguilles

Nagent entre nos jambes

Comme un million de radicelles

195

Treize de Vrillette

On m'a laissé

Une demi-heure d'avance

Déjà, je suis à bout de souffle

J'entends les cors

Leurs pas dans les feuilles

Chasse à l'homme !

196

Quatorze de Vrillette

Il porte toute une forêt sur sa tête

Son brame est une tornade

Couchant les arbres comme fétus

Immense l'emprise

Et la force

Du Dieu Cerf !

197

Quinze de Vrillette

J'ai le pouvoir de lire

Dans les rêves et dans les pensées

Mais à chaque fois

Ça me coûte un souvenir

Triste prêté

Pour un affreux rendu !

198

Seize de Vrillette

Se nourrir du lait

De la terre nourricière

Le boire jusqu'à sa lie

Putride et infectieuse

Ainsi soit-il

Iä ! Iä !
Shub-Niggurath !

199

Dix-Sept de Vrillette

Piège de toile

Bébés dans des cocons

Génération spontanée

Moi, ces enfants

Victimes de l'araignée

Violeuse d'hommes

Qui pond des clones

200

Dix-Huit de Vrillette

Un coup de pelle malheureux

A crevé une poche de biocide

Poison déversé dans les rivières

Crèvent plantes

Bêtes

Hommes !
Forêt de mort

201

Dix-Neuf de Vrillette

J'veux bien couper les arbres

Et mettre la charrue !

Mais avant le vendredi saint

La terre saigne

Et après elle bouffe

Plantes et hommes

202

Vingt de Vrillette

C'est celui-là qui avait mangé

De la viande noire

Un mercredi des cendres

Ben aucun sacrement

N'a pu le sauver de lui-même

Ni son village

203

Vingt-et-Un de Vrillette

J'pense qu'on devrait pas

Enterrer les morts

La terre les dévore ou les vomit

On devrait pas

Faire de messe non plus

Çà les fait revenir

204

Vingt-Deux de Vrillette

La faim est l'arme de l'emprise

La nourriture est emprise

Ne pas manger

Contempler dans le miroir

La maigreur de son corps

Une victoire

205

Vingt-Trois de Vrillette

J'dirais pas qu'c'est mal

De coucher avec sa mère

Mais ce que ça retourne

Au niveau

De la mémoire et de l'égrégore…

Tu veux pas savoir

206

Vingt-Quatre de Vrillette

Rien ne marque la mémoire

Comme ces fantômes de fermes

Là où

Dans les hangars

Sous le fumier

Dans les champs

Gisent les vaches mortes

207

Vingt-Cinq de Vrillette

On peut oublier des visages

Des histoires

Des promesses

On peut vivre sans ça

Mais le pire est ailleurs

Le pire

C'est l'oubli de soi

208

Vingt-Six de Vrillette

Cet attirail de branches

De fil de fer

De croix et de fleurs coupées

Et ces prières crachotées

Étaient du meilleur effet

Culte du cargo

209

Vingt-Sept de Vrillette

Crèmes de beauté aux orgones

Biocarburants

Drogues neurotiques

Déchets génétiques contaminés

L'emprise croît

Sur le sol pourri du passé

210

Vingt-Huit de Vrillette

Hélicoptères

Commandos

Sous-marins espions

Millevaux

Réservoir pharmaceutique et génétique

Plus convoité par l'Extérieur que jamais

211

Vingt-Neuf de Vrillette

Remèdes qui détruisent

Le corps et l'esprit

Ces souvenirs qui enflent

En migraines permanentes

D'autres qui meurent

Cancer de la mémoire

212

Trente de Vrillette

Une seringue

Un cocktail de bactéries-arbres

Quand elle aura ça dans le sang

Je ne donnerai pas cher de sa peau

J'imprime ma sentence !

213

Trente-et-Un de Vrillette

Quand on oublie tout

On enquête sur son passé

Tout le temps

On enquête

Sur tout le monde

On recherche des liens perdus

Époque de ragots

214

Premier d’Outre

J'ai cet eczéma au coude

Pourquoi ?

C'était un mauvais souvenir ?

Un sorcier a dû le voler

Pour nourrir sa magie

Du bon mana pour lui

215

Deux d’Outre

La rivière dégorge

De squames et de sanie

Rampent des horlas

Hideux de verrues et de bourrelets

L'usine de peau s'est remise en marche !

216

Trois d’Outre

La peur en voyant bouger

Ces arbres maigres et moussus

Puis la terreur

En réalisant que c'étaient

Les pattes grêles

D'un cerf trop grand !

217

Quatre d’Outre

Quand on a vu les premiers germes

Sortir des êtres et des choses

Il était trop tard

Il était déjà enraciné

En chacun de nous

Le champignon

218

Cinq d’Outre

Je suis votre Mère Truie

Ceci est mon corps

Mangez-en

Amputez mes chairs

Et regardez-les repousser

Dessiner de nouvelles formes de vie

219

Six d’Outre

Armures en pièces

Cuirasse en cèdre calciné

Lassos en racines

Le bois des casques

Et des fusils décorés

Comme des dentelles de mort

220

Sept d’Outre

Un crâne sur une feuille de chêne

Sur une épée et une hache entrecroisée

Sur une perle de sang

Sans peur

C'était le blason des Valensac

221

Huit d’Outre

Nos intestins

Sont comme ces rivières

Des bestioles envahissent les berges

Puis d'immondes végétaux y poussent

Enfin la vase comble tout

222

Neuf d’Outre

Invisible et pourtant tout près

Son masque est effrayant

Mais son visage l'est plus encore

Léger et dévastateur

Le Sanglier-Bombyx !

223

Dix d’Outre

Il s'en trouve des corps

Pourris dans le sol

Des chenilles qui tissent des fils

Pour passer de feuille en feuille

Charniers et merveilles

224

Onze d’Outre

Ces jeunes personnes

Que je croise sur ma route

Sont mes enfants

Cela me rassure

Me bouleverse

Et avec de la chance

C'est peut-être vrai

225

Douze d’Outre

Son visage était si abîmé

Des escargots mangeaient

Les chairs pourries de ses plaies

Vallons et collines

Avec faune, flore et fleuves

226

Treize d’Outre

Enfermée dans son propre corps

Elle capture les hommes

Engoncée dans son armure-dryade

Elle sème la mort

La femme-tronc aime comme tue

227

Quatorze d’Outre

Fruits de la forêt

De l'emprise et de la peur

Horlas

Souillés, sublimes

Nouvelle chair

Créatures à fleur de pus

Monstrueux, humains

228

Quinze d’Outre

Sa peau est un terreau

Ses yeux sont des galeries

Ses cheveux sont des symbiotes

Sa langue est une sangsue

Que rampe la Reine des Vers !

229

Seize d’Outre

Un large nombril

Des bras et des bras

Aisselles poilues

Pubis évasés

Et jambes sous terre

Peau rugueuse et grains de beauté

L'Arbre

230

Dix-Sept d’Outre

Mousses en charge

Racines en réseau

La forêt est un immense champ d'énergie

Orgone, électricité, égrégore, emprise

Bombe à retardement !

231

Dix-Huit d’Outre

Tu dis

« Je m'en rappelle, ça a eu lieu comme ça. »

Tu changes ton souvenir
À chaque version

Le passé est un arbre

Qu'on défigure tout le temps

232

Dix-Neuf d’Outre

Maisons troglodytes

Imprimantes de textures

Matière apprivoisée

Armures fongiques

Cœur en mycélium
Le champignon est la nouvelle chair

233

Vingt d’Outre

Perchoirs de boue noire et de racines

Larves-vaisseaux sanguins

Rouges

Observatoire d'oiseaux de proie

tours grêles au cœur des arbres

234

Vingt-et-Un d’Outre

De plus en plus de mal à...
Respirer

Souffle court et bronches obstruées

Mal au cœur

La chose se multiplie, vole mon air

L'arbre-poumon

235

Vingt-Deux d’Outre

Navigant sur l'arbre-radeau

Au milieu des bois

Qui portent le souvenir de la fumée

Les palétuviers sans fin

Boivent l'eau-mangrove

236

Vingt-Trois d’Outre

Nous sommes tous des indigènes

Corrompus

Sédentaires

Perdus

Obèses

Alcooliques

Ce besoin d'absorber toute chose pour oublier

L'emprise

237

Vingt-Quatre d’Outre

Chien Jack Russel

Avec une mitrailleuse
Au lieu de la truffe

Hérissons explosifs

Ourse en exosquelette rouillé

Cruelle nature en guerre !

238

Vingt-Cinq d’Outre

Festins parasites

Palais grêlé

Où psoriasis et meurtrissures

Ont creusé leurs vallées

Ma peau, une forêt

Où bourgeonnent de mauvais souvenirs

239

Vingt-Six d’Outre

Ce truc des animaux tutélaires

Ça vient de nos têtes

Le hic, c'est qu'ils finissent

Toujours par céder à l'emprise

Faut les brûler avant !

240

Vingt-Sept d’Outre

Enchevêtrements

De mémoires gigognes

Labyrinthes du passé

Se perdre en conjectures

L'homme

Qui a vu l'homme

Qui a vu l'ours

241

Vingt-Huit d’Outre

Notre malédiction

C'est qu'on est voués à dégénérer

Souffrir, grandir, évoluer

Muter, mourir, se décomposer

Bourgeonner

Se transformer

242

Vingt-Neuf d’Outre

D'abord c'était juste

Une pluie d'échardes

Puis les écorces

Nous ont frappés en bourrasques

Et enfin tous ces arbres…

Tempête de bois !

243

Trente d’Outre

Tu as tout fait

Pour la retrouver

Stratagèmes et sortilèges

Maintenant tu es seule avec elle

Et déjà tu regrettes

Seule avec ta mémoire

244

Trente-et-Un d’Outre

Embrasser une bouche

Y sentir le goût du mucus

Croquer dans un fruit

Y trouver du cartilage

Quelque chose de pourri

Au Jardin d’Éden

245

Premier de Serpente

Au marché de la mémoire

Madeleines de Proust

Gâteaux d'anniversaire

Vin chagrin

Banquets régurgités

Hostie du pardon

Premières dents

246

Deux de Serpente

Microbes de porcelaine

Graviers à pseudopodes

Limon vivant

Foraminifères

Cellules de pierre

Roche liquide

Minuscule emprise minérale

247

Trois de Serpente

Les microbes que nous tuons

Les insectes que nous avalons

La viande que nous mangeons

Notre impact sur la forêt…

Toute vie est un crime

248

Quatre de Serpente

Tout est parti en vrille

Quand les gens

Se sont tous nourris

De cette bouillie blanche

Œuf, farine, lait

Protéines, vitamines

Soylent

249

Cinq de Serpente

Rivières de goudron

Fumée du charbon de bois

Ramoneurs de troncs

Et mineurs de fond

L'endroit empeste l'anthracite

La forêt de derricks

250

Six de Serpente

Le mur végétal

Cette épaisseur de la forêt

Qui absorbe toute image

Tout odeur et tout son

Un refuge

Une frontière

Une terreur

251

Sept de Serpente

Tanins amers

Arômes de mort naissante

Visions troubles à la surface

Infusion du doute

Cérémonie d'anecdotes

Le thé noir du souvenir

252

Sept de Serpente

Tanins amers

Arômes de mort naissante

Visions troubles à la surface

Infusion du doute

Cérémonie d'anecdotes

Le thé noir du souvenir

253

Neuf de Serpente

Corps des braves

Et fronts de guerre

Corps des maîtres
Et mausolées

Corps des malades

Et litières

Fleurs qui leur poussent dans les yeux

254

Dix de Serpente

Pour les hommes

Un secret pour acquérir beauté

Et jeunesse éternelle

Manger des femmes

En toute conscience

Gare aux effets secondaires

255

Onze de Serpente

Un bruit

Qui perce la nuit et la montagne

Remue l'égrégore de l'air

Réveille ce qui devrait dormir

Évoque l'insensé

Le moulin à prières

256

Douze de Serpente

Il y avait cet homme

Qui se fit offrir

Une edelweiss de Suisse

Il serait mort pour la sauver

Mais elle ne pouvait vivre
Qu'en laboratoire

257

Treize de Serpente

Ce peuple où la compassion est un art

Ils laissent tiques et parasites

Proliférer sur leur corps

Et offrent leurs cadavres

Aux charognards

258

Quatorze de Serpente

Tu montres une telle confiance

Une telle générosité…

Tu as un parfait profil de victime
À moins que tu ne sois

Un bourreau en puissance

259

Quinze de Serpente

Notre problème

C'est qu'on vit plus vieux

Que ce que notre corps

Est prévu pour

Alors c'est normal

Qu'il foute le camp

Par tous les bouts

260

Seize de Serpente

Arborescences de photos

Murailles de post-it

Canopée de fils rouges

Tempêtes sous des crânes

La forêt des suspicions

261

Dix-Sept de Serpente

Racines qui poussent

Sur les corps pourris des ancêtres

Ramifications généalogiques

Feuilles et parchemins et polaroids

L'arbre-mémoire

262

Dix-Huit de Serpente

Tac, tac, tac

Le bruit s'approche

Et j'ai nulle part où me cacher

Le bruit s'approche

J'ai plus un poil de sec...
Les arbres à pattes !

263

Dix-Neuf de Serpente

Musique lourde et poignante

Entrechats plombés

Beauté distendue

Grâce

Bras et ventres

Corps obèses en communion

La danse volumineuse

264

Vingt de Serpente

Par où Millevaux a commencé ?

Quand les choses

Se sont accumulées en douce

On en a perdu le contrôle

Et le monde s'est refermé sur nous

265

Vingt-et-Un de Serpente

Notre corps

Est une forêt de cellules

Qui par un grand mystère

Acceptent de vivre ensemble

Qui pourraient rompre

Cet ordre à tout instant !

266

Vingt-Deux de Serpente

Sacs plastiques

Gonflés aux branches

Ruisseaux d'ordure

Tumulus-choses crevées

Pâte radioactive

Puanteurs en maraude

La forêt-décharge

267

Vingt-Trois de Serpente

Ces abrutis de médecins

Ils croient soigner

Ils veulent juste corriger la nature

Charcutage et castration

Privations et empoisonnement

268

Vingt-Quatre de Serpente

Perdu dans les sentiers

De mes destins morts-nés

La forêt des si-seulement

Hanté par ces visages chéris

Manqués de peu

Voies sans issue

269

Vingt-Cinq de Serpente

Y'avait cet homme

Qui avait toujours mal au ventre

Sans savoir pourquoi

À sa mort

On a trouvé un brochet

De deux mètres

Dans son intestin

270

Vingt-Six de Serpente

Il s'envole

Avec un mouvement douloureux

Alors que l'arbre de vie

Lui pousse dans le dos

Dans une vaste extase

L'ange aux ailes en branche

271

Vingt-Sept de Serpente

Les Corax sont les êtres suprêmes

Transformons les autres créatures sentientes

En Corax

Au moins les meilleurs

La Voie de la Conversion

272

Vingt-Huit de Serpente

Avec ma gueule de maletronche

De monstre errant

De presque-horla

Je suis le miroir

De vos propres emprises

La grimace

Des temps-poubelles

273

Vingt-Neuf de Serpente

Je mange les vers

Et après ils vivent dans mon estomac

Et en retour ils me permettent

De digérer les feuilles et l'écorce

Gagnant-gagnant

274

Trente de Serpente

Le plus dur

C'est pas la forêt

Les dangers ou les horlas

Le plus dur

C'est de voir

Que la mort est partout

Et qu'il est vain d'aimer

275

Premier d’Opprobre

J'ai d'abord entendu son brame

Tel l'appel de l'évangile

Ivre de chasse et d'extase

J'ai vu le cerf

Et dans ses bois

La croix de lumière !

276

Deux d’Opprobre

Au plafond

Comme pendeloques profanes

Des lianes dont la glu

Emprisonne les insectes

Frondaison morbide et visqueuse

Papiers tue-mouche

277

Trois d’Opprobre

Parcourir tout Millevaux

À la recherche de mets de choix

Nouvelles chairs

Cuissons exotiques

Saveurs inconnues

Aristocratisme cannibale

278

Quatre d’Opprobre

Nous ne sommes pas des marginaux

Nous sommes les explorateurs

Et les gardiens des frontières

Nous avons tout abandonné

Pour votre survie

279

Cinq d’Opprobre

Ce moment où tu écartes enfin

Les branches du mensonge

Pour voir la vraie réalité

Tu l'as tellement cherché

Il va te faire tellement mal

280

Six d’Opprobre

Les notables nous capturent

Pour leurs expériences et leurs jeux

Les bourgeois nous chassent

Parce que nous volons leurs poules

Libres !

281

Sept d’Opprobre

Je vole mémoires, identités, passés

J'enlève de votre visage
Ce masque

Pour voir dans le miroir

La tête que ça me fait

Et oublier mon vide

282

Huit d’Opprobre

Toutes ces blagues grivoises

Grasses et grossières

C'est dans ta bouche

Comme le rot qu'émet

L'énergie du désespoir

Ça ne m'atteint plus

283

Neuf d’Opprobre

Nous sommes missionnés

Dans les pires endroits

Pour retrouver

Ce qui n'aurait jamais dû disparaître

Nous sommes les guerriers mémoriels

284

Dix d’Opprobre

Parachutés dans Millevaux

Avec quelques kits médicaux

Seringues, vaccins

Extrémistes de l'humanitaire

Soigner les habitants de l'enfer...

285

Onze d’Opprobre

Un abri

Des possessions

Des vivres

C'est juste une chose qui te rend vulnérable

Attaquable

Une blessure d'entrée

Un ver dans le fruit

286

Douze d’Opprobre

Ton apparence

Ton genre

Ton espèce

Ne sont que des hasards de l'instant

Éphémères

Des jouets de l'emprise

Ton identité

Une illusion

287

Treize d’Opprobre

Liens du sang

Malédictions

Pactes irrévocables

Dur d'être pauvre

Quand il ne reste plus

Que les paiements terribles

de la sorcellerie !

288

Quatorze d’Opprobre

Mare maison fenêtre

Grille cage oiseaux

Araignées mygales chat

Homme morsure

Métamorphoses emprise égrégore

Oubli ruines forêt
Bois eau mare

289

Quinze d’Opprobre

Me souviens cette personne qui mendiait

Personne lui donnait

Elle a crevé de faim

Avec une pépite d'or
Dans une poche

Contre son cœur

290

Seize d’Opprobre

Méfiez-vous des nobles

Du sang bleu qui coule dans leurs veines

Plus longue est leur lignée

Plus l'égrégore

Se concentre dans leur cœur

291

Dix-Sept d’Opprobre

Confie la liste de tes ennemis

Au ventre d'un serpent mystique

Avec une amulette

De la cendre des tes ancêtres

Le serpent prendra son dû

292

Dix-Huit d’Opprobre

Je vois les émotions

Qui se dégagent de la tête des gens

Fourmis, cafards

Araignées, cloportes

Grouillent les insectes

De leurs pensées

293

Dix-Neuf d’Opprobre

Des clochards jettent des pièces

Dans le fleuve

Comme une aumône

Comme s'ils étaient des dieux

Plonger au fond

Pour mieux refaire surface

294

Vingt d’Opprobre

Les chiens

Hurlent comme des bébés

Les chats

Prennent des visages

Les rats

À qui poussent de petites mains

Les lapins
À fleur de peau

295

Vingt-et-Un d’Opprobre

Les horlas ?

Personne n'en a jamais vus

C'est un mythe

C'est bien ça le danger

Les horlas

C'est tout ce que tu crains

L'Horlarlésienne

296

Vingt-Deux d’Opprobre

On a su que la guerre

Durait depuis cent ans

Quand on a vu pousser

Des arbres hérissés

De hallebardes

De heaumes

Et de masses d'armes

297

Vingt-Trois d’Opprobre

Je vais chez le sarcomancien

Il va me refaire les lignes de la main

Pour changer mon passé

Mon destin

Mon avenir

Ou tout effacer ?

298

Vingt-Quatre d’Opprobre

  • Qu'est-ce que t'as fait de ta jambe ?

  • Tu pourrais pas comprendre

  • Réponds-moi !

  • Tu pourrais pas comprendre...
    J'avais tellement faim !

299

Vingt-Cinq d’Opprobre

Aucune boussole ou carte

N'aurait pu m'être utile

Je me perds dans cette forêt

Car ma mémoire me joue des tours

Part de moi qui me trahit

300

Vingt-Six d’Opprobre

Il y a eu ce trafic

Avec les cendres des morts

Ils les sniffaient
Ou en faisaient du diamant

Leur propre mémoire

Âme

Réduite en cendres

301

Vingt-Sept d’Opprobre

Dans la forêt-canopée

On vit dans les cimes

Les plus braves

Explorent la pénombre inférieure

Les plus fous

Parlent du vide

Tout au fond

302

Vingt-Huit d’Opprobre

À toute force

Chaque jour

Commettre des exploits

Des bienfaits

Des atrocités

Pour qu'on se souvienne de nous

Pour nous souvenir de nous

303

Vingt-Neuf d’Opprobre

Le sarcomancien

M'avait préparé ce pot de crème
Une crème pour changer de visage

J'ai tellement

peur et envie à la fois

De l'essayer

304

Trente d’Opprobre

Pépiement ininterrompu

Qui vrille les tympans

Sensation de danger démultiplié

Et dans les branches

des milliards de cabanes à oiseaux !

305

Trente-et-Un d’Opprobre

C'est si lourd

De ne pas comprendre son fardeau

Si lourd

D'avancer avec sur son dos

Toutes les mues du passé

Si lourd

D'être, d'avoir été

306

Premier de Vomembres

Nous manipulons sans précaution

Des arbres miniatures

Qui sont des bombes

Des plumes

Ou des remèdes

Croissance, rétrécissement

Fiables ?

307

Deux de Vomembres

Le blast !

Tout implose dans ta tête

Ton corps

Grand moment

Douleur vertige cauchemar

Où la réalité du monde enfoui
T'apparaît toute nue !

308

Trois de Vomembres

La beauté du bois brûlé

Forêt de cendres

Fragments de feuilles parcheminées

Odeur d'holocauste

Ce que ça me rappelle

De l'ancien empire

309

Quatre de Vomembres

Patiente collection

De ses peaux mortes

Et de ses cheveux tombés

Des kilos par an

Pour confectionner
Masques et homoncules

Sarcomantiques

310

Quatre de Vomembres

Patiente collection

De ses peaux mortes

Et de ses cheveux tombés

Des kilos par an

Pour confectionner
Masques et homoncules

Sarcomantiques

311

Six de Vomembres

Celui qui vole les contes

Pour les mettre dans les livres

Ou les achète

Contre une bouteille

Ou une pépite d'or

Qui ruinent la vie du conteur

312

Sept de Vomembres

On devient ce qu'on mange

Ruse du renard

Grâce de la biche

Force du sanglier

Plus efficace si on mange

Un parent, un proche, un jumeau

313

Huit de Vomembres

Cet enfant

Il avait si mal au ventre

Il se plaignait d'un sort

Quand on lui a ouvert l'abdomen

On a trouvé le fœtus

De son frère siamois

314

Neuf de Vomembres

Se baigner

L'océan n'est qu'oubli

Qui console de tout

La grande marée des rêves

Des espoirs perdus

Être enfin lavé

de son lourd passé

315

Dix de Vomembres

En fait elle n'a pas de tumeurs

Elle fait pousser

Des frères siamois sur son corps

Et les mange

Pour récupérer leur force

Et leur égrégore

316

Onze de Vomembres

Voix

Sanglier aux mille bouches

Mort

Sanglier aux mille mouches

Vie

Sanglier aux mille couches

Forêt

Sanglier aux mille souches

317

Douze de Vomembres

Feuilles

Poèmes de nervures

Pourries déjà limon parmi le limon

Mains griffues

Peaux et mues éparses envolées

Aplatissement des cycles

Q

318

Treize de Vomembres

Grottes

Clairières

Ouvertures dans les arbres

Orées

Arbres creux

La forêt des mondes parallèles

Fourmille de portes vers l'impossible

319

Quatorze de Vomembres

Bruissement de la terre charruée

Sang des corps empalés

Épines immenses et fractales

Masse invasive

Le cactus à la croissance infinie

320

Quinze de Vomembres

Vol gargouille

Dentelles pierre

Pluie d'eau bénite

Clairières vitraux

Perdus

Entre confessionnaux et chemins de croix

Forêt-cathédrale

321

Seize de Vomembres

Des cendres des êtres

Ils font des infusions

La mémoire de l'eau fait le reste

Boisson-piranha

Baignoire à assassin

Rivière endeuillée

322

Dix-Sept de Vomembres

Çà ressemble à la quête d'une vie

De rassembler sa mémoire

Mais le jour

Où l'on se tiendra devant sa vérité

Sera-t-on prêt

À l'affronter ?

323

Dix-Huit de Vomembres

Y'avait les ruines de cet hôtel…

Chaque chambre vous conduisait

À un souvenir de votre passé

Est-ce que ça a réellement existé ?
Et si...

324

Dix-Neuf de Vomembres

Ce qui emplit de terreur ?

Pas les transformations

Les monstruosités

Ni les spectres

C'est que les hommes

N'entendent plus

La voix de la raison

325

Vingt de Vomembres

Tue le grand cerf de tes mains

Accouple-toi avec sa femelle

Et qu'en naisse un fils

De l'homme et de la bête

Qui réunira

Les deux règnes

326

Vingt-et-Un de Vomembres

  • Qui a frappé à la porte ? À qui parlais-tu ?

  • Personne.

  • Personne ?

  • Juste un fantôme du passé...

327

Vingt-Deux de Vomembres

Elle s'étend

Tisse ses voiles putrides

Éparpillée en nuées dans l'air

Ses rejetons poussent mollement

Sous toutes les formes

La mycose

328

Vingt-Trois de Vomembres

Ces cuves contiennent
Des clones de toi

De différents passés

Ils en sortiront un jour

Pour venir te donner
Des réponses

Et des questions

329

Vingt-Quatre de Vomembres

Pour punir leur enfant

Ils l'avaient abandonné

Dans la forêt

Et quand ils sont revenus

Le chercher

Il avait disparu

330

Vingt-Cinq de Vomembres

Hans le hérisson

Juché sur son coq

Dans les sapins

Si tu l'as trahi

Il t'écorche de ses piquants

Si tu l'aimes

Jette sa peau dans le feu

331

Vingt-Six de Vomembres

Ces faux souvenirs

Étaient si bien faits

Comme des tableaux de maître

On voulait à tout prix

Les prendre pour vrais

332

Vingt-Sept de Vomembres

Un prêtre fait du trafic de confessions

Chargées en égrégore

Une espionne apparaît

Dans les souvenirs des autres

L'oubli

Rend curieux

333

Vingt-Huit de Vomembres

Les horlas mimétiques

S'intéressent aux personnes

Qui s'intéressent à elles

Parfois jusqu'à en être obsédés

L'amour est un programme

334

Vingt-Neuf de Vomembres

La mystique du tatouage des porcs

Votifs

Rituels

Marques de propriété, de souvenirs

Un statut presque-humain

Ce qui advient en les mangeant

335

Trente de Vomembres

En deuil

Pour oublier le défunt

Elle l'assassine

Dans chacun de ses souvenirs

Fait disparaître ses traces

Enquête

Sur un crime perpétuel

336

Premier de Descendres

Lorsque j'ai mangé

Cet oiseau humide

Je me suis sentie

Différente

Un tourbillon m'a prise

Et plus rien n'a été comme avant…

337

Deux de Descendres

Dis-moi

S'il te plaît

Quel goût je peux avoir

Et je te laisserai me manger

Juste dis-moi

S'il te plaît

Doux rêveur

338

Trois de Descendres

Le feuillage a prospéré

Nous laissant seules

Dans le noir

Puis la lune rouge

Est apparue

Attendant la nuit

Pour nous juger

339

Quatre de Descendres

La voix dans ma tête

M'a demandé de sacrifier mon fils

Pour s'assurer de ma témérité

Mais il ne m'a pas arrêté...

340

Cinq de Descendres

Elle ne dit plus un mot

Depuis qu'elle s'est coincé les doigts

Dans l'arbre à sourire

Elle parle par grimaces

Désormais

341

Six de Descendres

J'aime quand elle me prend

Et me possède

J'aime quand elle m'oblige

À tuer et à mourir

Sans que jamais cela ne s'arrête...

342

Sept de Descendres

L'homme aux ciseaux

Dessinait des visages d'enfants

Dans les arbres

Et évidemment

Les enfants lui répondaient

343

Huit de Descendres

« Mon papa, le horla

A oublié son repas !

Mon bras droit

N'est plus à moi

Il pend à coté de moi ! »

Comptine enfantine

344

Neuf de Descendres

L'avenir, c'est la mémoire !

Parce que c'est le seul bien
Commerçable

En quantité limitée

Disponible

En quantité illimitée

345

Dix de Descendres

Les traqueurs d'histoires

Sont les seuls à vivre en famille
Parce que de telles ruines

Ne peuvent s'explorer

Qu'au fils des ans

346

Onze de Descendres

Le horla s'était construit

Une tour de Babel

Il ne pouvait peut être pas mourir

Mais à défaut

Il pouvait continuer

À chuter

347

Douze de Descendres

… Oui, je crois qu'on a baisé une fois

Ou était-ce avec son frère ?

Sa mère ?

Le grand-père peut être ?

Je ne sais plus...

348

Treize de Descendres

Le meilleur moyen

De ne plus perdre un souvenir

C'est de le recréer à l'identique

Mais est-ce encore

Le même souvenir ?

349

Quatorze de Descendres

Le secret de ma longévité ?

L'inaction

Je ne fais rien

Donc je n'oublie rien

Mon corps

Ne vieillit pas

350

Quinze de Descendres

Elle lui bigornait d'sus

À n'en plus finir

Et plus elle frappait

Plus il riait

Et plus elle riait

Plus le ciel s'assombrissait

351

Seize de Descendres

Ces pilules d'une drogue très puissante

Sont vides

Et pour cause !

Elles contiennent juste

De l'égrégore

Juste

Vos rêves les plus fous

352

Dix-Sept de Descendres

« Mange ta soupe

Ou l'ogre te mangera ! »

Si on avait évité

De dire ça

Notre enfant

Serait toujours vivant

353

Dix-Huit de Descendres

Quand ces deux amis de jeunesse

Se sont retrouvés

Ils avaient des souvenirs très différents

De la vie qu'ils ont eu en commun

Qui a raison ?

354

Dix-Neuf de Descendres

Taverniers

Voleurs d'histoire

Lavandières et leurs suaires d'enfants

Crieurs publics et leurs ragots

Pleureuses de malheur

Sorciers !

355

Vingt de Descendres

Ce chat sauvage

L'a observé depuis l'orée

Il a singé ses manières

Porté les mêmes habits

Pris le même métier

Puis il a lui a volé sa vie

356

Vingt-et-Un de Descendres

Il payait son gîte et son couvert

En prenant les gens en photo

Mais leur volait leurs souvenirs

Puis ses hôtes devenaient dépendants

de leur photographie

357

Vingt-Deux de Descendres

Il entend les ragots

Les soupirs que le vent colporte

Les cris des somnambules

Et des bêtes battues

Il s'en nourrit

L'arbre à oreilles

358

Vingt-Trois de Descendres

Atmosphère chargée d'angoisse

Vagues de peur

Tempêtes de colère

Pluies de fiel

Éclaircies de joie

Le chamane donne la météo

De l’égrégore

359

Vingt-Quatre de Descendres

Cette femme aimait cet homme

Qui n'était pas son mari

Son enfant est né

Avec le même visage

On l'a crue infidèle

L'homme a été battu à mort

360

Vingt-Quatre de Descendres

Cette femme aimait cet homme

Qui n'était pas son mari

Son enfant est né

Avec le même visage

On l'a crue infidèle

L'homme a été battu à mort

361

Vingt-Six de Descendres

Toutes les espèces animales

Sont en nous

Une forme d'hypnose supérieure

Permet de transformer un homme

En limace

En lynx

Ou en raptor

362

Vingt-Sept de Descendres

Si on mange des graines organiques

Des enfants poussent

Dans nos furoncles

Des adultes naissent

En éclatant

Notre poitrine

Ventre

Ou dos

363

Vingt-Huit de Descendres

Nul ne peut échapper

À la justice du corbeau

D'abord il accuse

Puis il traverse tous les obstacles

Jusqu'à plonger

Dans le cœur

De sa cible

364

Vingt-Neuf de Descendres

Tempête biologique

Génération spontanée

Étoiles de mer géantes

Limules à panache

Vers crochets

Et mites-écailles

Qui rentrent sous la peau

365

Trente de Descendres

Si on savait

Toute la faune et la flore

Qui vivait sur nous

L'existence

Serait impossible

366

Trente-et-Un de Descendres

Les premiers signes ?

Les étangs bouchés

Les maisons envahies de chats

Mœurs et esprits dégradés

Ceux qui parlent tous seuls

Et entassent